Rebondir dans les métiers du conseil après 45 ans
Par Valerie Grasset-Morel | Le | Recrutement
Le cabinet de conseil en stratégie et organisation Eurogroup Consulting propose un « parcours rebond » de seconde partie de carrière pour des candidats de plus de 45 ans intéressés par le consulting. Un programme en partenariat avec l’Apec et l’association Forces Femmes.
Les initiatives en faveur de l’emploi des seniors sont actuellement scrutées. Ainsi, Eurogroup Consulting, cabinet de conseil en stratégie et organisation, vient de lancer un « parcours rebond » de seconde partie de carrière destiné à des candidats de plus de 45 ans souhaitant découvrir le consulting.
Ce programme a été lancé en partenariat avec l’Apec et l’association Forces Femmes.
Les personnes présélectionnées sont mises en immersion pendant une semaine chez un client du cabinet et cornaquées par des consultants en début de carrière.
Un projet intergénérationnel qui en est à sa 3ème promotion de seniors reconvertis.
Le point avec Claudia Montero et Antoine Dezalay Joly, respectivement Directrice générale et DRH d'Eurogroup Consulting.
Pourquoi avoir lancé une action particulière de recrutement destinée aux seniors ?
Claudia Montero. La question de la diversité est pour nous un sujet de préoccupation, comme il l’est pour nos clients, qui attendent de nous un engagement sociétal. Nous avons donc commencé par creuser la piste de l’intégration des personnes en situation de handicap, puis celle des profils originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous nous sommes également interrogés sur l’opportunité de modifier nos exigences en matière de niveau de qualification à l’embauche.
La moyenne d’âge de nos consultants est de 33 ans
Mais la vraie problématique, chez nous, est celle de l’âge. En effet, la moyenne d’âge de nos consultants est de 33 ans. Il nous fallait donc lutter contre cette forme de discrimination. C’est pour cette raison que nous avons mis en place une action spécifique en partenariat avec l’Apec, puis avec l’association Force Femmes, qui agit pour l’emploi des femmes de plus de 45 ans, afin d’attirer des profils externes de seniors.
Par cette action, nous voulons contribuer à lutter contre les clichés du senior fatigué, technophobe, etc. Avec l’allongement de la durée de la vie, on ne peut plus dire qu’une personne est « has been » à 50 ou 60 ans. Chacun sait aussi qu’il aura plusieurs métiers au cours de sa vie professionnelle.
Comment recrutez-vous vos consultants habituellement ?
Claudia Montero. Un tiers sont recrutés en sortie d’études. Nous ciblons en priorité les grandes écoles et les universités.
- Beaucoup font toute leur carrière dans le conseil.
- D’autres partent au bout de quelques années, puis reviennent chez nous en quête d’une nouvelle respiration. Ce phénomène s’est accéléré depuis quelques temps. Il s’agit souvent de professionnels qui veulent moins de hiérarchie, davantage de travail en équipe et en mode projet.
Le métier de consultant est jalonné d’étapes : il s’apprend au cours des 3 premières années, puis, quand le consultant devient manager, il découvre une nouvelle facette de cette activité.
Par ailleurs, le capital du cabinet Eurogroup Consulting est détenu à 100 % par les salariés, dont 97 % par les associés, ce qui élargit encore la vision du métier.
Comment est né ce partenariat avec l’Apec ? Que proposez-vous aux personnes recrutées ?
Claudia Montero. C’est dans le cadre de la communauté « Les entreprises s’engagent » , dont nous sommes membres, que nous avons rencontré les dirigeants de l’Apec à l’automne 2022.
À ce moment-là, il y avait une forte tension sur les emplois qualifiés, y compris en sortie d’école et, dans le même temps, des profils hyper expérimentés ne trouvaient pas de poste. Nous avons donc eu l’idée, avec l’Apec, de mettre en place un « parcours rebond » de seconde partie de carrière, pour des candidats de plus de 45 ans souhaitant découvrir un nouveau métier.
Les candidats présélectionnés par l’Apec - et aujourd’hui par Force Femmes - sont mis en immersion chez un de nos clients pendant une semaine, pour vérifier que le métier leur plaît et qu’ils ont les qualités pour faire un bon consultant.
Le mentorat de professionnels seniors par des consultants en début de carrière
Parallèlement à ces immersions, nous avons mené un travail d’acculturation sur la non-discrimination au sens large, notamment envers les seniors, via des ateliers et des formations.
L’originalité de ce parcours rebond réside dans le mentorat de ces professionnels seniors par des consultants en début de carrière, tous volontaires. Et la différence d’âge ne pose aucun problème.
Avant le lancement de l’expérience, nous nous étions dit qu’il faudrait peut-être les recruter à temps partiel pour alléger leur charge de travail, mais ce préjugé a vite été battu en brèche. Parmi les premières personnes que nous avons mises en immersion en mai et octobre 2023, 6 ont été embauchées en CDI à temps plein.
Quelles compétences et/ou expériences recherchez-vous chez ces candidats ?
Antoine Dezalay Joly. Nous n’exigeons d’eux aucune expérience du consulting ni aucun niveau de qualification minimale. Nous leur demandons seulement de parler et d’écrire correctement en français, et d’avoir un niveau de base d’utilisation des outils numériques.
La différence se fait principalement sur les soft skills : la motivation, la capacité à se remettre en question, à travailler en équipe, à se remettre en apprentissage, etc. Nous faisons d’ailleurs intervenir des coachs qui évaluent spécialement leurs capacités à apprendre un nouveau métier.
Quels salaires proposez-vous à ces professionnels confirmés mais débutants dans votre métier ?
Antoine Dezalay Joly. Nous les rémunérons à hauteur de 50 000 euros brut annuels, ce qui est plus élevé que le salaire d’un consultant débutant.
C’est le montant moyen de la rémunération d’un consultant qui affiche une expérience de cinq ans.
Ces consultants issus du parcours rebond ont-ils des qualités que n’ont pas d’autres recrues ?
Antoine Dezalay Joly. Ce sont des consultants qui apprennent leur nouveau métier. Nous l’avons tous en tête et nous n’avions pas d’attente particulière.
Cela étant dit, ils sont indéniablement enrichis par leurs expériences passées. Ils ont un certain recul par rapport aux situations et apportent de la sérénité, le vécu de l’expérience au sein d’une équipe, là où les plus jeunes peuvent se trouver en difficulté.
Cette expérience, qui suppose un accompagnement très personnalisé des candidats, nous permet aussi de parfaire notre process RH et d’individualiser davantage l’accompagnement de nos collaborateurs.
Vous avez 2 autres parcours seniors. En quoi consistent-ils ?
Antoine Dezalay Joly. Nous proposons des parcours de fin de carrière à des professionnels experts reconnus que nous adressons à certains de nos clients.
Nous avons également des parcours experts pour des chefs de projets seniors sur des thématiques pour lesquelles nous n’avons pas les compétences en interne.
Allez-vous vous ouvrir à de nouveaux publics ?
Claudia Montero. Après les seniors et les femmes, nous souhaitons élargir notre politique de diversité aux profils originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Nous réfléchissons à un partenariat avec la Fondation Mozaïk pour l’automne 2024.
Des candidats aux profils divers
• « Une femme de 62 ans s’est présentée au cours de la deuxième sélection, en septembre dernier. Elle avait fait toute sa carrière dans l’industrie pharmaceutique et se retrouvait au chômage à la suite d’un PSE, peu optimiste sur ses chances de retrouver un emploi. Elle a été pré-sélectionnée par l’Apec pour un programme d’immersion, sans aucune idée du métier qu’elle allait découvrir. Elle travaille aujourd’hui chez nous en CDI.
• Un autre candidat de 56 ans était au chômage, après une longue carrière à l’international à des postes de direction dans l’automobile. Il voulait évoluer vers un autre métier.
• Nous avons également accueilli un demandeur d’emploi en fin de droit de 58 ans. Ce cadre, qui avait accompagné le développement d’un groupe en Asie, n’était même plus reçu en entretien. Lui aussi nous a rejoint en CDI.
• Avec Force Femmes, nous avons recruté une personne qui avait mis sa carrière entre parenthèses pour suivre son conjoint à l’étranger. À 47 ans, elle avait un trou pénalisant dans son CV pour retrouver un emploi.
• Nous avons également intégré une gestionnaire de patrimoine de 52 ans qui souhaitait évoluer vers un autre environnement professionnel, ainsi qu’une communicante en freelance de 50 ans qui voulait se tourner vers le salariat », indiquent Claudia Montero et Antoine Dezalay Joly (Eurogroup Consulting).