Stratégie

UE : rejet de la directive sur le devoir de vigilance par les États membres

Par Agnès Redon | Le | International

La directive sur le devoir de vigilance n’a pas atteint la majorité après un revirement des États membres le 28 février 2024. Le texte visant à rendre les entreprises responsables des atteintes aux droits de l’environnement et aux droits humains sur leur chaîne de production n’atteindra pas le stade du vote final du Parlement.

UE : les États membres rejettent la directive sur le devoir de vigilance  - © D.R.
UE : les États membres rejettent la directive sur le devoir de vigilance - © D.R.

La directive européenne sur le devoir de vigilance visait à rendre les entreprises responsables des atteintes aux droits de l’environnement et aux droits humains sur leur chaîne de production.

Ainsi, les entreprises de plus de 500 salariés auraient été tenues de s’assurer du respect des droits humains et de l’environnement par leurs fournisseurs, sous peine d’amendes jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires mondial.

Blocage par 14 États membres

Le Comité des représentants permanents de l’UE (COREPER) n’a pas pu dégager de majorité pour voter la CSDDD (Corporate Sustainability Due Dilligence Directive).

Ce sont 14 pays sur 27, dont l’Allemagne, l’Italie, la Finlande, l’Autriche, la Hongrie et la France qui se sont opposés au texte, réclamant des ajustements sur le contenu de la directive. Un accord politique sur ce texte avait pourtant été annoncé en décembre 2023.

En effet, les trois institutions européennes, à savoir la Commission, le Conseil et le Parlement avaient validé leur position commune sur le projet de directive. L’adoption définitive de cet accord politique était alors attendue.

Le 27 février 2024, la France a proposé de remonter à 5.000 salariés le seuil d’application du devoir de vigilance en Europe, contre un seuil de 500 prévu dans le texte de compromis.

D’après le média Euractiv, les industries allemandes dénonçaient fermement la directive en décembre 2023. La Fédération des industries allemandes (BDI) avait averti que les règles « menaceraient la compétitivité, la sécurité de l’approvisionnement et la diversification de l’économie européenne ».

Les représentants de l’industrie allemande craignaient que la nouvelle loi n’alourdisse la charge bureaucratique qui pèse sur les entreprises.

« Un message dramatique aux travailleurs »

Ce blocage a suscité l’indignation des ONG de défense des droits humains, de l’environnement et des organisations syndicales européennes.

Dans un communiqué du 28 février 2024, Isabelle Schömann, secrétaire générale adjointe de la CES, a déclaré :

« Les États membres ont envoyé le message le plus dramatique qui soit à des millions de travailleurs, de consommateurs et de citoyens en Europe et dans le monde.

Avec cette décision, ils placent les entreprises au-dessus de la loi et leur assurent l’impunité. En fait, ils se donnent à eux-mêmes, et en particulier aux entreprises de l’UE et des pays tiers et à leurs filiales, un chèque en blanc pour continuer à violer les droits de l’homme, en particulier les droits syndicaux et les droits des travailleurs.

Il est d’autant plus inquiétant de constater que les non-votants et les abstentionnistes d’aujourd’hui l’ont fait sur la base d’arguments politiques et dogmatiques nationaux internes. Cela revient honteusement à marchander les droits fondamentaux de millions de personnes en Europe et dans le monde. »