Japon : les négociations du printemps 2024 donnent lieu à des hausses de salaires records
Par Agnès Redon | Le | International
Les grandes entreprises ont dévoilé le 15 mars 2024 des augmentations de salaires négociées lors des traditionnelles négociations de printemps, connues dans le pays sous le nom de « shunto ». Les hausses moyennes de salaire proposées par les grandes entreprises japonaises s’élèvent à 5,28 %, un record depuis 33 ans.
Les augmentations des grandes entreprises
La dynamique d’augmentation des salaires s’est renforcée depuis le shunto de 2023. Selon la Confédération japonaise des syndicats Rengo qui compte 7 millions d’adhérents, l’augmentation moyenne des salaires observée en 2023 dans 5 272 de ses fédérations était alors de 3,58 %, contre 5,28 % en 2024.
Les augmentations négociées du shunto 2024 sont les suivantes :
- Pour Toyota, le plus grand constructeur automobile japonais, les augmentations sont comprises entre 7 940 yens (49 euros) et 28 440 yens (174 euros) pour les salaires mensuels en fonction du type d’emploi et du poste. C’est la plus grande augmentation de salaire depuis 1999 ;
- Pour Nissan, l’augmentation moyenne est de 18 000 yens (110 euros) du salaire mensuel, contre 12 000 yens (73 euros) en 2023.
- Dans le secteur de l’électronique, les géants Hitachi, Toshiba, Mitsubishi, NEC ou encore Panasonic ont annoncé des augmentations de 13 000 yens (79 euros) par mois.
- D’autres grands fabricants du secteur de la construction et de la sidérurgie ont également accepté les revendications des syndicats, parmi lesquels :
- Nippon Steel augmentera son salaire de base mensuel de 35 000 yens (213 euros), dépassant les 30 000 yens (183 euros) demandés par le syndicat. Il s’agit d’une augmentation de 14,2 % lorsqu’elle est combinée à l’augmentation annuelle des salaires basée sur l’ancienneté ;
- Pour JFE Steel et Kobe Steel l’augmentation moyenne est de 30 000 yens (183 euros) du salaire mensuel.
- Pour Mitsubishi Heavy Industries, l’augmentation s’élève à 8,3 %.
- Chez le transporteur aérien ANA 5,6 % et Japan Airlines 6 %, soit l’augmentation du salaire la plus élevée depuis 1992.
Inflation et pénurie de main-d’œuvre
« Avec les solides bénéfices des entreprises et des pénuries de main-d’œuvre, l’environnement actuel motive certainement les entreprises à augmenter les salaires », a déclaré Shinichiro Kobayashi, économiste chez Mitsubishi UFJ Research and Consulting, interviewé par le Japan Times.
En effet, le Japon perd, du fait du déclin démographique, plus de 800 000 habitants par an, ce qui engendre une pénurie de main-d’œuvre de plus en plus forte dans le pays et des difficultés de recrutement. Ainsi, en 2022, 1,27 poste était ouvert pour chaque demandeur d’emploi au Japon, un ratio qui augmente chaque année. Recruit Works Institute, un institut de recherche japonais prévoit même que le Japon pourrait faire face à une pénurie de plus de 10 millions de travailleurs en 2040, lorsque les enfants des baby-boomers d’après-guerre auront atteint 65 ans ou plus. Par conséquent, le pays aura besoin de 6.74 millions de travailleurs étrangers en 2040.
Selon le journal Asahi Shimbun et Le Monde citant les statistiques du bureau du travail japonais et de l’OCDE, les salaires réels japonais ont progressé de 3 % seulement entre 1991 et 2020, contre 50 % aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et 30 % en Allemagne et en France. Et sur les deux dernières années, les salaires ajustés de l’inflation ont carrément baissé, ce qui a engendré une chute de la consommation en janvier 2024 de 6,3 %.