Stratégie

« Réussir à faire vivre des collectifs de plus en plus mouvants » (Thibault Ronsin, DRH Groupe SOS)

Par Sylvie Aghabachian | Le | Métier rh

A la tête des RH du Groupe SOS depuis 2018, Thibault Ronsin, a effectué un parcours essentiellement dans le secteur associatif. Il a passé près de dix ans dans le secteur de la solidarité internationale. Aujourd’hui, dans le champ de l’économie sociale et solidaire, il développe des plans d’actions internes avec des démarches d’inclusion et d’employeur responsable.

Thibault Ronsin - © D.R.
Thibault Ronsin - © D.R.

Comment avez-vous débuté dans la fonction RH ?

Je suis arrivé dans les RH par hasard. J’ai obtenu un bac scientifique, puis j’ai suivi une formation alternance en gestion, qui m’a amenée vers les RH opérationnelles. Quelques années plus tard, j’ai repris mes études pour suivre une licence en management RH et finance de projets internationaux, dans le secteur de la solidarité internationale. J’ai connu l’expatriation, pendant quelques années, dans la gestion de programmes internationaux humanitaires au sein d’ONG internationales. Cette expérience m’a permis de découvrir les enjeux du management humain et d’avoir envie de transformer davantage les organisations en ayant plus d’influence dans les collectifs. A 30 ans, je suis donc retourné sur les bancs de l’école pour suivre un Master 2 en RH à l’IGS Paris.

Ce qui m’intéresse dans les RH, c’est le fait de travailler avec des collectifs et d’être connecté à la diversité des métiers tout en pouvant influencer la performance collective et individuelle.

Vous avez travaillé pendant près de dix ans dans le champ humanitaire et de la solidarité internationale… Est-ce un choix lié à vos valeurs ?

Besoin de cohérence avec mes valeurs et celles de l’entreprise

En effet, j’ai un parcours essentiellement dans le secteur associatif. J’ai commencé dans le tourisme social, puis j’ai passé près de dix ans dans le secteur de la solidarité internationale dont cinq ans à l’étranger et autant en France, plutôt dans des fonctions au siège. Puis, j’ai passé deux ans dans l’industrie du bois. Et depuis cinq ans, je suis le DRH du Groupe SOS, une entreprise sociale. Je mets mon énergie de DRH au service de projets dont l’impact dépasse la performance économique. Même les décisions difficiles, y compris les licenciements, contentieux ou conflits, je les prends avec la conviction que c’est pour avoir plus d’impact sociétal.

J’ai un besoin de cohérence avec mes valeurs et celles de l’entreprise. Et j’ai le sentiment de servir l’intérêt général. Même si j’ai eu plaisir à travailler dans l’industrie et l’intérêt général n’était pas au rendez-vous. Aujourd’hui, je me sens plus à l’aise dans le champ de l’économie sociale et solidaire car le côté “intérêt général global” y est davantage visible.

Quels sont vos enjeux RH ?

Mon enjeu principal est de réussir à faire vivre des collectifs de plus en plus mouvants du fait de la diversité des profils et des parcours de plus en plus rapides. Les gens partent plus vite ou viennent avec davantage d’attentes individuelles en termes d’organisation dans un contexte sociétal où certains métiers sont pénuriques. Il faut penser à des solutions, presque individuelles, alors que nous gérons près de 22.000 salariés avec toutes les entités du groupe.

Nous avons un double effet ciseau, avec à la fois des métiers pénuriques, comme celui d’aide-soignant et l’engagement d’accompagner la santé globale et de prevenir les RPS chez les collaborateurs dans un contexte parfois dégradé.

Quels chantiers allez-vous mettre en place en 2024 ?

Trois axes de travail en 2024

Nous avons un gros chantier qui sera d’aller vers les personnes éloignées de l’emploi pour lever les freins périphériques et pour les emmener vers nos emplois. Nous voulons approcher des profils qui ne sont pas encore candidats pour les aiguiller vers nos métiers à travers de la formation et de l’accompagnement social.

Un deuxième axe est d’accompagner les organisations pour gérer de nombreuses reprises de structures. Il faut aussi continuer à outiller nos managers avec des formateurs pour qu’ils soient à l’écoute de leur collectif qui évoluent et pour qu’ils soient capables de s’adapter rapidement à l’évolution des personnes qui composent leurs équipes. Nous agissons pour rendre nos managers agiles et autonomes dans la gestion des signaux faibles et des individus de l’équipe. Nous allons plutôt mesurer l’impact de leurs actions plus que le nombre de leurs actions et plutôt que de leur imposer des actions communes.

Notre troisième axe de travail sera la reconnaissance de l’impact de certains de nos métiers d’intérêt général et d’innovation sociale. Nous devons valoriser l’employabilité et les compétences de nos collaborateurs. Nous avons un colloque de travail sur l’accompagnement des parcours des collaborateurs. Nous travaillons à rendre plus lisible les parcours et les évolutions professionnelles.

Le Groupe SOS développe-t-il des plans d’actions spécifiques à l’économie sociale et solidaire ?

Nous nous définissons comme une entreprise sociale. Notre démarche entrepreneuriale s’accompagne en effet de valeurs fortes. Cela se traduit dans un objectif de cohérence. Nous devons avoir un business-model qui tienne la route, comme toutes les entreprises, mais notre objectif est accompagné d’une mesure d’impact de nos actions plus forte. Notre impact d’entreprise ne se résume pas à notre capacité économique à dégager des résultats. Cela se traduit dans nos plans d’actions internes avec des démarches d’inclusion, d’employeur responsable, etc.

Comment se passe la négociation sociale ?

Nous avons 150 employeurs différents au sein du groupe. La négociation sociale se passe à la maille de ces employeurs. Certes, nous faisons signer de gros accords impactants sur le temps de travail, par exemple, pour nos hôpitaux. Nous avons 34 conventions collectives et des métiers très distincts. La négociation sociale est une négociation de proximité et de terrain.

34 conventions collectives

Nous avons des ambitions communes déclinées chez les différents employeurs du groupe en matière :

  • d’inclusion et d’accès à l’emploi pour les personnes éloignées à l’emploi,
  • de handicap, de socles d’avantages sociaux,
  • d’alternance de formation et de mobilité : nous visons à former et accueillir 1000 alternants par an et nous allons chercher des jeunes des quartiers prioritaires de la ville pour des préparations à l’apprentissage.

Quelles sont les mesures sociales mises en place au sein du Groupe SOS ?

Nous avons mis en place un pilotage des avantages sociaux en particulier pour les salariés les plus fragiles avec un support social, psychologique et un fonds social pour les plus précaires afin de nous assurer que nos ambitions d’inclusion d’accompagnement social pour tous se traduisent aussi auprès de nos employeurs de nos collaborateurs et collaboratrices.

Il existe une forme de désengagement dans beaucoup de secteurs. Il faut réussir à se réinventer régulièrement dans les collectifs pour que les DRH soient facilitateurs de sens et que notre rôle soit de faire vivre des archipels relationnels et donner du sens à tous au travail pour chacun et chacune. Ce travail de déclinaison du sens est pour moi notre colonne vertébrale.