Stratégie

« L’humilité est la valeur que notre fonction RH doit véhiculer  » (Olivier Hérout, Equans)

Par Sylvie Aghabachian | Le | Métier rh

Olivier Hérout est membre du nouveau comité exécutif groupe en charge des RH et de la santé & sécurité d’Equans depuis février 2023. Il avait rejoint le groupe Engie en 1990. Suite à l’annonce du rachat de l’activité multiservices du groupe Engie par Bouygues, Olivier Hérout est devenu le DRH du 6e métier du groupe Bouygues. Retour sur son parcours, au cours duquel il a connu plusieurs fusions et réorganisations.

Olivier Hérout - © DR.
Olivier Hérout - © DR.

Vous avez débuté votre carrière comme juriste en droit social et votre parcours vous a ensuite amené à prendre tour à tour des responsabilités de DRH opérationnel et des responsabilités d’expertise. Comment s’est effectuée la transition entre vos fonctions généralistes et ces fonctions plus spécialisées ?

Le rôle de DRH opérationnel m’a permis d’être en responsabilité complète sur l’ensemble des champs de la fonction RH. J’ai souhaité compléter cette fonction RH généraliste, à laquelle je tenais tant, par une fonction de développement RH, ce qui m’a permis de découvrir un environnement plus macro et d’avoir une vision plus globale du monde de l’entreprise. Cela m’a donné l’occasion de partir à l'étranger pour rejoindre des activités, à la fois en Hollande et en Belgique, pendant près de 10 ans comme Corporate Talent Development Manager chez Tractebel et de me sentir plus accompli et davantage légitime pour reprendre un poste généraliste plus large comme celui de DRH de Fabricom en 2003.

Un rôle de chef d’orchestre

Sur le fond, tout le monde est légitime, que l’on soit généraliste ou davantage spécialisé dans tel et tel domaine de la fonction RH. Ce qui est extrêmement important c’est de se sentir à l’aise avec le rôle que l’on joue.

Personnellement, après avoir exercé les deux pans de la fonction RH, je me sens plus à l’aise dans le rôle de généraliste, tout en ayant de solides connaissances mais sans forcément être un expert de tous les domaines de la fonction RH. Je préfère m’entourer de gens qui sont bien meilleurs que moi dans les domaines de compétences qui sont les leurs. Mon rôle est aujourd’hui celui d’un chef d’orchestre, rôle dans lequel je suis parfaitement à l’aise.

Vous avez exercé à Munich avant d’être DRH en Belgique et Hollande. Quels enseignements tirez-vous de vos expériences hors de France ?

C’était un véritable souhait de parcours d’exercer tout ou partie de mon activité sur un périmètre plus large que la France. Même en étant étudiant, j’avais ce souhait de travailler avec l'étranger et/ou à l'étranger. J’ai toujours eu la conviction que travailler avec des gens de cultures différentes, me donnerait des clés de lecture nouvelles par rapport à celles qui m’ont été transmises tout au long de mon parcours et de mon éducation, à la fois personnelle et universitaire. Et je n’ai pas été déçu car cette connaissance acquise au fil de l’eau, depuis 30 ans, au contact de cultures et de modes de gestion différents, m’a permis de progresser, d'être sans doute plus innovant et d’aller plus loin dans la manière de travailler.

Culture du consensus : J’aime avoir cet outil dans ma besace

En ayant travaillé en Belgique, par exemple, je me suis rendu compte que la culture du consensus était l’une des grandes valeurs qui permettait de débloquer des situations et d’améliorer les décisions, en particuliers dans les situations difficiles. Étant revenu en France depuis plusieurs années, j’aime avoir cet outil dans ma besace pour gérer un certain nombre de problématiques.

L’autre enseignement que j’ai retenu dans ma manière de gérer l’ambition RH, c’est la culture de l’humilité. S’il y a une valeur que notre fonction doit véhiculer, c’est bien celle de l’humilité. Elle est plus force de victoires, de convictions, de mobilisation, d’entraînement des équipes et des collaborateurs qu’une posture plus arrogante ou une situation de supériorité. 

Le DGRH peut se retrouver à gérer une situation de crise de gouvernance. Quelles sont les bonnes pratiques à adopter ?

Dans toute situation de crise de gouvernance, le DRH doit éviter de prendre parti ou d’endosser un rôle qui n’est pas le sien. Il faut savoir faire la part des choses et continuer d’assurer ses responsabilités pour garantir la stabilité de l’organisation.

Dans ces périodes tendues, nous devons également nous attacher à protéger nos équipes. Voilà un nouvel exemple d’humilité : considérer que ces combats ne sont pas forcément les nôtres.

Vous avez participé à la création d’Engie, structure autonome regroupant les activités de services du groupe Engie, qui a débouché sur la création d'Equans en mai 2021, désormais 6e métier du groupe Bouygues. Comment avez-vous géré les relations sociales ?

Ce processus de création d’Equans a été long : il a démarré en juillet 2020. Les partenaires sociaux ont été associés, depuis le début, à ce projet. Le closing a eu lieu le 4 octobre 2022, soit onze mois après la cession au groupe Bouygues. 

Les partenaires sociaux ont été clés dans la réussite du processus

Le processus social d’information et consultation a été mené de façon extrêmement intelligente avec les partenaires sociaux et notamment avec le comité d’entreprise européen d’Engie jusqu’en avril 2022. Les partenaires sociaux ont été clés dans la réussite de ce processus.

J’ai eu la chance d’avoir en face de moi des partenaires sociaux qui avaient compris les enjeux : l’opération consistait à diviser le groupe en deux en termes d’effectif. Travailler en transparence, en respect, en humilité avec les partenaires sociaux a été un grand atout. Bien sûr il y a eu des discussions, des désaccords mais aussi des avancées sociales grâce à des propositions des partenaires sociaux. 

Nos relations sociales continuent d’être excellentes car nous avons toujours joué la carte de la transparence et parlé librement, à la fois de nos projets, des bonnes nouvelles, comme des difficultés.

Je crois au fameux adage : « les patrons ont les syndicats qu’ils méritent » et je crois à la valeur des corps intermédiaires, dont les partenaires sociaux.

Vous avez connu des fusions, comme en 2008 avec Suez et GDF et des transformations en profondeur comme la naissance d’Engie en 2015. Ces expériences ont-elles été utiles pour vos négociations avec les partenaires sociaux dans le cas d’Equans ?

Absolument ! L’expérience de l’international et les expériences précédentes de fusions et de rapprochements ont été très importantes. Deux choses le sont aussi pour travailler avec les partenaires sociaux et les collaborateurs : le respect et le fait de ne jamais oublier l’autre, en faisant en sorte que toutes les parties prenantes qui se rapprochent puissent se retrouver. 

Comment s’est passée l’entrée d’Equans dans le groupe Bouygues ?

6emétier du groupe

L’accueil des dirigeants et des équipes du groupe Bouygues a été extraordinaire. Nous aurions pu être confrontés à un choc de cultures entre un fonctionnement plus verticalisé et régalien dans certains métiers du groupe Bouygues et le modèle d’Equans, dont la vocation, motivée par nos métiers de proximité, est d’avoir une culture de décentralisation et de responsabilité au premier niveau des organisations. Mais nos spécificités ont été bien prises en compte par les équipes dirigeantes avec une vraie cohérence sur l’ensemble des engagements qui avaient été pris vis-à-vis d’Equans à savoir que l’entreprise deviendrait le 6métier du groupe, à part entière, et intégrerait Bouygues avec une autonomie suffisante.

Vous tenez au rôle de change management. Que représente-t-il pour un DRH ?

Successivement, chacun de mes patrons m’a dit : “Olivier, une chose importante pour nous, c’est que toi et surtout la filière RH, vous soyez agents du changement dans le respect des objectifs stratégiques et pour apporter le meilleur aux parties prenantes” . J’ai pu le constater une nouvelle fois dans l’aventure Equans, dans laquelle la filière RH, tout en devant répondre aux impératifs juridico-sociaux, aide aussi à imaginer l’ambition humaine de demain, à inventer un futur collectif en donnant du sens aux décisions « macro » qui ont un impact sur la vie de chacun.

Nous les DRH, nous avons une vraie manière de conduire ce changement, simplement dans la façon dont nous accompagnons les patrons dans leur choix de collaborateurs, mais aussi dans l’évolution des mentalités.

Concrètement, comment la filière RH d’Equans se mobilise-t-elle pour accompagner les équipes ?

Nous avons lancé un vaste programme appelé « Our Teams », en soutien à la stratégie et au développement de l’entreprise, autour de trois axes : attirer, développer et prendre soin des collaborateurs, avec des initiatives qui ont prouvé leur efficacité sur certains territoires et que nous déployons plus largement. Ce plan doit nous amener à faire évoluer notre mentalité. Il va mobiliser l’ensemble des équipes, partout dans l’organisation, car chacun, à son niveau, a un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de ressources humaines. Un projet qui va demander à la filière RH d’être pleinement mobilisée dans l’accompagnement du changement.