Stratégie

« DRH chez Burger King France, une vocation sociétale » (Gaël Mosny)

Par Sylvie Aghabachian | Le | Métier rh

Son entreprise a révolutionné le marketing RH. Durant tout son parcours de DRH, il a mené sans cesse des transformations. Aujourd’hui encore, il est à la tête des RH dans un secteur en tension, qui se transforme. Rencontre avec celui qui, chaque année, met le pied à l’étrier à 8 000 nouveaux collaborateurs, qu’il s’agisse de créations de postes ou de renouvellement des équipes.

Gaël Mosny, DRH de Burger King France - © D.R.
Gaël Mosny, DRH de Burger King France - © D.R.

Quel a été votre parcours dans la fonction RH jusqu’à ce jour ?

Je suis diplômé d’un DEA de droit social de l’université de Nantes. Je me suis posé assez vite la question d’une orientation vers un parcours de juriste ou de RH. Et j’ai choisi la voie des RH, davantage en prise avec les relations humaines. 

Mon premier poste a été très formateur puisque j’ai créé la fonction RH dans une grande entreprise, qui s’appelle aujourd’hui Securitas. J’ai commencé à 25 ans avec un périmètre de 4 000 personnes et un patron m’a donné une belle opportunité puisqu’il m’a confié les relations sociales et tout l’aspect RH alors que j’étais débutant.

Carrefour, Tipiak, Darty, les cinémas Pathé et Gaumont…

Après quelques années, à la trentaine, comme il est d’usage, j’ai eu envie de voyager. J’ai travaillé quelque temps aux Antilles, puis j’ai découvert différents secteurs d’activité : les services, le commerce, l’industrie en rejoignant Carrefour, Tipiak, Darty, les cinémas Pathé et Gaumont. Ma plus grosse expérience a été au sein de Darty où j’ai exercé différentes fonctions : en direction régionale, de filiale comme au niveau du groupe. J’ai quitté l’entreprise un an après la fusion avec la Fnac.

Ensuite, j’ai rejoint les cinémas Pathé Gaumont où j’ai géré la crise de la Covid pendant une bonne année et depuis 2021, j’ai l’honneur et l’avantage d’être DRH du groupe Burger King France, qui compte près de 25 000 collaborateurs sous enseigne dynamique, en pleine croissance et tout cela avec une véritable vocation sociétale. Nous sommes en capacité d’accueillir tous les profils (étudiants, premier emploi, reconversion notamment) et grâce à d’importants programmes de formation nombreux sont les collaborateurs qui accompagnent notre croissance. Nos métiers très complets permettent d’acquérir de nombreuses compétences qui seront autant d’atouts en interne mais également dans une carrière à l’extérieur de BK : relation client, gestion, management,… J’ai la chance depuis maintenant deux ans et demi d’occuper ce poste où la fonction RH est véritablement reconnue comme essentielle.

Comment êtes-vous arrivé chez Burger King ?

Mes interlocuteurs pensent parfois que c’est une multinationale américaine alors que c’est une franchise française

C’est une histoire de rencontre avec Jérôme Tafani, directeur général de l’époque et vice-président du groupe. Le personnage m’a séduit ainsi que les membres du comité de direction, et notamment celui qui allait devenir le nouveau Directeur Général. Burger King, c’est surtout un projet. Mes interlocuteurs pensent parfois que c’est une multinationale américaine alors que c’est une franchise française dont Olivier Bertrand est l’actionnaire principal. En raison de notre fort développement, nous avons un vrai rôle à jouer. Nous accompagnons certaines personnes pendant leurs études, d’autres dans leur reconversion…

Chez nous à partir du moment où il y a l’envie, il y a de la place et on peut évoluer. L’objectif est ainsi d’avoir 80 % de managers et de directeurs issus de la promotion interne. Parfois, les gens se laissent surprendre. Ils viennent chez nous par hasard et rapidement deviennent manager, puis directeur. Certains de mes collaborateurs directs ont débuté en restaurant en tant qu’équipier et aujourd’hui, ils sont Directeur du développement RH, RRH,…

La personnalité du DG est-elle si importante pour un DRH ?

Pour ma part, ça l’a toujours été. Il faut que l’entreprise et le secteur d’activité plaisent bien évidemment. Mais j’ai toujours considéré le DRH comme étant le bras droit (ou gauche) du dirigeant. Il faut une vraie relation de confiance et de respect mutuels. Il m’est parfois arrivé de quitter un poste quand un changement de direction ne me convenait pas. 

Durant tout votre parcours, vous avez mené sans cesse des transformations. Avez-vous perçu l’évolution de votre fonction ?

En effet, si je regarde le fil rouge de ma carrière, c’est le cas. Dès ma première expérience professionnelle, j’ai vécu un rachat. Ensuite, j’ai été embauché par un franchisé Promodès en Guadeloupe et je me suis retrouvé dans la même situation chez Carrefour. Idem chez Darty rachetée par FNAC. C’est différent chez Pathé Gaumont où le sujet de transformation concernait principalement la digitalisation de la relation client.

J’ai vécu une vraie évolution de la fonction RH : à la fin des années 90, elle était essentiellement axée sur des relations sociales et des compétences juridiques en droit social pour gérer des conflits individuels et collectifs. Puis, progressivement, elle a évolué sur le développement RH et l’intégration de populations spécifiques comme les personnes en situation de handicap, l’égalité professionnelle… La fonction RH s’est aussi fortement digitalisée dans le cadre du recrutement, du Onboarding, de la formation..

Aujourd’hui encore, vous êtes à la tête des RH d’un secteur en tension qui se transforme… 

Créer de l’attractivité et se doter d’outils performants

Oui, les recrutements ne sont pas faciles et je suis dans un groupe qui a la particularité de ne pas être à périmètre constant puisque nous ouvrons entre 50 et 70 restaurants chaque année avec environ 3000 créations de postes par an. Il faut créer de l’attractivité et se doter d’outils performants. Nous venons de revoir notre site de recrutement et changer d’ATS (Applicant Tracking System), un outil de suivi de candidatures, pour élargir nos possibilités et façons de recruter : sans CV et directement au restaurant, par l’affichage de QR code. Avec l’appli par exemple, nous pouvons poser quelques questions en restaurant et intégrer les coordonnées d’un candidat sans CV. En prenant une photo d’un CV avec un mobile, nous pouvons capter l’ensemble des informations du CV. Et les clients en restaurant en flashant un QR code peuvent directement consulter une offre d’emploi. Nous cherchons à mettre en œuvre ce qu’il y a de plus moderne.

La quête du sens au travail devient de plus en plus importante. L’entreprise Burger King a-t-elle un rôle sociétal pour vous ?

Un certain nombre de personnes resteraient au bord de la route si nous n’existions pas

Oui, complètement. Dans un dîner ou une soirée, parler de Burger King ne laisse jamais indifférent. Les gens parlent soit de la communication drôle et décalée qui est la nôtre, soit du secteur de la restauration  avec un jugement plus critique. Un certain nombre de personnes resteraient au bord de la route si nous n’existions pas. Nous avons un vrai rôle sociétal à jouer avec notre capacité à intégrer tout type de profils. Si nous comptons les franchisés, chaque année nous mettons le pied à l’étrier à 8 000 personnes, nouvelles embauches et renouvellement des équipes.

Quels sont vos enjeux RH ?

Pour faire face à la pénurie de candidature que vit le secteur de la restauration, mes enjeux concernent la communication autour de la marque employeur. En matière d’inclusion, nous sommes la première entreprise de restauration à avoir signé une convention triannuelle avec l’Agefiph, c’est un engagement fort en termes d’intégration de personnes en situation de handicap. 

Burger King France a aussi un rôle à jouer en matière de formation. Peu de personnes le savent mais nous dispensons près de 50 heures de formation pour être équipier, une dizaine de semaines pour devenir manager, puis plusieurs mois pour devenir directeur. 

Nous communiquons beaucoup depuis 2021, avec une campagne « Recrutez-nous » pour inciter les candidats à renverser la norme dans le recrutement, puis nous avons retravaillé notre site Internet, affiché dans les gares les avis Google auxquels on répondait sur l’aspect RH. Cet été, nous avons diffusé pour la première fois un spot publicitaire à la télévision.

Les difficultés de recrutement ont-elles augmenté depuis la fin de la période Covid ?

Non, elles sont un peu moins présentes qu’immédiatement après le confinement où l’on constatait que des salariés voulaient changer de mode de vie et quittaient la restauration car les contraintes y étaient trop importantes. Mais le recrutement reste néanmoins un sujet compliqué. C’est une bataille de tous les jours car, nous avons une volumétrie d’embauche très importante. Encore une fois, nous créons 3000 postes par an, sans parler du renouvellement. 

Quel est l’impact RH de vos campagnes de communication ?

Nous sommes souvent cités en exemple dans les cours de marketing RH

J’ai été amené à en discuter avec des collègues de la fonction RH dans d’autres entreprises et des candidats notamment à des postes en alternance au sein du service RH. Et systématiquement, ils nous parlent de nos campagnes. J’ai un fils qui se destine aussi à la fonction RH et dans ses cours de marketing RH, nous sommes souvent cités en exemple. C’est une vraie fierté.

Nous ressentons un impact sur nos deux objectifs : 

  • générer des candidatures à un instant T et ça fonctionne. Quand nous regardons les courbes de fréquentation de notre site, nous avons des pics au moment des campagnes. Notre site Internet est devenu le premier pourvoyeur de candidatures. 
  • augmenter notre visibilité en tant qu’employeur permettant de faire carrière.

Vous lancez une nouvelle campagne intitulée « Burger King recrute 8000 jeunes pour des jobs de rêve (ou pas) ! » Ou bien « On recrute des talents, pas des CV », quel est le sens ?

Je connais assez peu de personnes qui ont comme rêve d’enfant de faire carrière dans la restauration. En revanche, en interne, on s’aperçoit que beaucoup d’individus sont entrés par hasard chez nous, à défaut de mieux et ils se sont finalement passionnés pour le métier. Ils se sont trouvés happés par nos capacités à faire évoluer et grandir les gens en interne. Sur cette campagne institutionnelle et de recrutement, nous sommes peut-être les premiers à le dire ouvertement. Il faut une certaine dose d’humour et d’humilité pour que les dirigeants acceptent de communiquer sur le fait que « ce n’est pas un job de rêve ». Beaucoup d’entreprises auraient dit : « ce n’est pas notre façon de communiquer, ça ne va pas aller avec l’image qu’on veut renvoyer ».

Nous avons voulu être transparents. Nous avons déjà une communication qui se veut décalée et drôle un peu taquine sur les produits. Nous voulions retrouver cette tonalité sur la campagne Recrutement.

Parler clairement, miser avant tout sur les compétences, est-ce transférable ?

Sur la promesse employeur qui parle vrai, cela finira probablement par devenir la norme en entreprise surtout lorsque l’on s’adresse aux jeunes générations. Sur la préférence aux soft skills, cela dépend des métiers. Au sein de notre activité, beaucoup de choses s’apprennent en pratiquant : relation client, respect d’exécution, compétences en termes de gestion, management. C’est moins vrai sur les fonctions au siège où le diplôme et l’expérience restent importants. Mais à diplôme équivalent, les qualités humaines et la personnalité font la différence.

Comment répondre aux nouvelles attentes sur les conditions de travail du secteur ?

Trouver un équilibre entre la souplesse des horaires et les périodes de rush

Souvent les gens qui s’orientent vers nous y trouvent un intérêt, soit ils sont étudiants, soit la flexibilité des horaires leur permet d’avoir une deuxième vie en parallèle. Depuis un an, nous travaillons avec nos franchisés, et nous interrogeons les collaborateurs, managers, pour mettre en place des leviers ou éléments de différenciation afin de faciliter la vie des collaborateurs. Nous avons des pics activité, les soirs, les week-ends, pendant les repas, lors de tous ces moments où la plupart des gens ne travaillent pas, et par définition, nous n’y échapperons pas. 

Il faut réussir à trouver un équilibre entre la souplesse des horaires et les périodes de rush pour permettre à nos collaborateurs de concilier vie personnelle et professionnelle. Nous travaillons à améliorer la QVT (qualité de vie au travail) mais aussi la digitalisation du Onboarding, de la formation et de la gestion des carrières