Stratégie

Espagne : vers une diminution du temps de travail à 37,5 heures hebdomadaire

Par Agnès Redon | Le | International

Une diminution progressive du temps de travail de 40 heures hebdomadaires actuelles à 37,5 heures en 2025. C’est l’objectif que se donne la ministre du Travail Yolanda Diaz à l’occasion des négociations avec les partenaires sociaux ayant démarré le 25 janvier 2024, malgré l’opposition du patronat.

Espagne : le gouvernement envisage une réduction du temps de travail à 37,5 heures hebdomadaire  - © D.R.
Espagne : le gouvernement envisage une réduction du temps de travail à 37,5 heures hebdomadaire - © D.R.

12 millions de salariés concernés, selon le gouvernement

Cette mesure prévue dans l’accord de gouvernement conclu le 24 octobre 2023 entre le parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez et la formation de gauche Sumar concernera près de 12 millions de salariés.

Le projet de réduction du temps de travail doit se faire selon les modalités suivantes :

  • Un passage à 38,5 heures en 2024 ;
  • Puis 37,5 heures en 2025 ;
  • Sans perte de salaire.

Le modèle des 35 heures des organisations syndicales 

Les deux principaux syndicats de salariés, l’Union générale des travailleurs (UGT) et Commissions ouvrières (CCOO), ont salué cette mesure du gouvernement espagnol. Pepe Alvarez, le secrétaire général de l’UGT a rappelé que l’Espagne n’avait pas changé la durée légale du travail hebdomadaire depuis 40 ans, tout en soulignant que l’objectif de son syndicat était une semaine de travail de 35 heures.

« Nous espérons pouvoir convaincre la Confédération espagnole des entreprises (CEOE) qu’en Espagne les horaires de travail sont très longs. Il n’est pas nécessaire de travailler autant pour produire ce que nous produisons. La réduction du temps de travail peut entraîner une amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises. »

Le projet de réduction du temps de travail intervient alors que le taux de chômage espagnol est au plus bas depuis 15 ans, après avoir chuté à 11,76 % au deuxième trimestre 2023, d’après Eurostat. Par ailleurs, le salaire minimum a augmenté d’environ 47 % depuis que Sanchez a formé son premier gouvernement en 2018, ont souligné les organisations syndicales.

« Nous devons rattraper les pays ayant une journée de travail plus courte. Ces pays parviennent à mieux concilier la vie professionnelle et la vie privée et sont souvent plus productifs que l’Espagne », a indiqué Ernest Urtasun, le porte-parole de Sumar, qui dit prendre pour modèle la France, où la durée légale est fixée à 35 heures depuis le début des années 2000.

Opposition du patronat

Le projet suscite en revanche l’opposition du patronat. Antonio Garamendi, le président de la principale organisation patronale du pays, la CEOE, a qualifié cette mesure souhaitée par le gouvernement de « populiste » lors du congrès organisé par la Confédération espagnole des directeurs et des cadres (CEDE) à Grenade le 26 octobre 2023.

« Cette mesure a été pensée par des gens qui n’ont jamais vu une entreprise de leur vie. Ils devraient payer un salaire pour découvrir de quoi il s’agit, » a-t-il signalé.

Il s’est inquiété de la dégradation du dialogue social sur ce dossier, estimant que l’exécutif semblait vouloir saper les accords de branches dans lesquels les questions relatives à la durée du travail sont normalement discutées. « Des accords fixent déjà le travail à 37,5 heures par semaine. Or ce projet est imposé par la loi, au lieu d’être construit par le dialogue social avec les syndicats issus des divers secteurs. »

« Les gens croient qu’ils gagneront la même chose avec cette réduction du temps de travail, mais le coût horaire sera beaucoup plus élevé. Même celui de la Sécurité Sociale va augmenter de 7 % », a-t-il dénoncé.